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Crise climatique, relocaliser l’économie

Sans grande surprise, la 15e Conférence des Nations Unies sur le climat à Copenhague s’est soldée sur un échec cuisant. On aurait tort de vouloir incriminer l’intransigeance de la Chine, ou l’attitude des États-Unis pour disculper l’impuissance de l’Union européenne à peser sur les débats. En dépit des ambitions affichées par l’UE d’être le premier de classe en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, elle n’a, pas plus qu’eux, jugé politiquement opportun de suivre les recommandations prônées par les scientifiques, réunis au sein du Giec. Ainsi, l’UE s’enferre-t-elle dans l’objectif de réduction de 20% de ses émissions de gaz à effet de serre, alors que le Giec préconise une réduction de 40% en 2020 (par rapport à 1990). Ce déni des avertissements des scientifiques tranche furieusement avec la foi démesurée que l’UE a coutume de placer dans les vertus de la science ou dans les nouvelles technologies pour nous sortir prétendument de l’ornière, en particulier lorsqu’il s’agit d’investir dans des technologies aussi hasardeuses que les «biotechnologies», la séquestration du carbone, ou la filière nucléaire… C’est sans compter que notre mode de vie n’est pas négociable ! Si les États-Unis l’ont affiché clairement, par la voix du président américain Bush père à Rio, c’est précisément cette même logique qui sous-tend le positionnement actuel de la Chine et de l’UE à Copenhague. Ce qui unit à présent tant les puissances industrialisées et émergentes, c’est avant tout l’inquiétude des effets des exigences environnementales pour leur croissance et l’expansion de leurs parts de marché respectives dans un contexte économique globalisé. L’objectif partagé étant de sauvegarder la compétitivité de leurs entreprises, exit l’adage selon lequel «il vaut mieux prévenir que guérir». Au-delà du marketing écologique, telles sont les marges étriquées que l’UE s’est fixées pour mener à bien sa lutte contre les dérèglements climatiques. Dans cette logique, le «capitalisme vert» s’impose sans surprise progressivement comme stratégie de sortie de crise au sein de l’UE, car il permet aux pouvoirs publics des États membres de ne pas remettre en cause la théorie de la croissance illimitée… alors que la surchauffe de la croissance est précisément à l’origine de la crise climatique ! Au minimum, trois chantiers doivent être impérativement ouverts pour extirper l’UE de ses contradictions. L’UE doit cesser de soutenir les énergies fossiles et autres activités responsables du réchauffement planétaire (ex : l’industrie automobile). Elle doit encourager massivement l’agriculture biologique, vu que l’agriculture industrielle, grosse consommatrice d’engrais et d’énergie fossile, est largement responsable de l’émission de gaz à effet de serre. Enfin, elle doit radicalement revoir sa politique commerciale, et les règles économiques qui la sous-tendent, dont l’effet est d’induire systématiquement une croissance globale du trafic. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une économie faite de petites et moyennes entreprises, irriguant des marchés principalement locaux, régionaux et nationaux, plutôt que de continuer dans une économie dominée par des multinationales taillées pour un marché mondial. Nous devons relocaliser l’économie si nous voulons re-stabiliser le climat, vu que la mondialisation accroît les émissions de gaz à effet de serre de multiples façons… Voilà le vrai souffle écologique qu’on est en droit d’attendre de nos autorités politiques. Le combat doit se faire sur le terrain de l’économie. Cela suppose donc qu’on déboulonne le mythe de la croissance. D’ailleurs, il est grand temps que le président Barroso s’inspire de la réflexion d’un de ses prédécesseurs, Sicco Mansholt (devenu président de la Commission en 1972) selon qui «l’incitation à la croissance n’est en fin de compte qu’un objectif politique immédiat servant les intérêts des minorités dominantes». Comme stratégie de sortie de crise, il ne proposait rien moins que de «réfléchir sur l’arrêt de la croissance».