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Avez-vous slutwalké ?

‘‘Alors, les filles, combien d’entre vous ont participé à la Slutwalk Pour rappel : les « Slutwalk » ou « Marches des salopes » (ou des « traînées » à Bruxelles) ont été organisées dans de nombreux pays en réaction à la déclaration d’un policier devant des étudiantes à Toronto : « Si les femmes ne veulent pas se faire violer, elles n’ont qu’à ne pas s’habiller comme des salopes » de Bruxelles ? Levez le bras !  Moi, j’y étais en tenue bien légère, pour profiter du soleil et des copines. Jamais je n’oserais me balader comme ça en ville toute seule ! Waou ! Ça fait du bien !  Moi aussi j’y étais. Mais en jeans et col roulé. D’accord avec le message, pas avec la manière. Il y avait quelque chose d’ambigu, limite malsain, dans l’enthousiasme de certains hommes : qu’est-ce qui leur plaisait donc tant ? La liberté des femmes, ou leur disponibilité supposée ? Une Slutwalk, c’est tellement plus sexy que l’égalité des salaires ou un partage équitable des tâches ménagères !  D’où l’intérêt des médias aussi, peut-être ? La première page du gratuit Metro le lendemain : il n’y a pas beaucoup de manifs féministes qui ont droit à tant honneur !  Surtout que la foule n’y était pas : 350 participant/e/s selon la police, 1800 annoncé/ e/s sur Facebook…  Pas étonnant, les organisatrices ont lancé l’idée sur les réseaux sociaux, sans même essayer de contacter les mouvements féministes…  … qui auraient pu leur ramener au moins dix personnes de plus, et encore, dix râleuses.  D’accord, ça n’aurait peut-être pas fait plus de monde, mais au moins, on aurait pu réfléchir ensemble, tenter d’éviter les pièges, imaginer des débouchés.  Quels pièges ? Quels débouchés ?  Eh bien, par exemple, on aurait pu se demander ce que cela signifie de revendiquer le droit de s’habiller comme on veut sans se faire agresser. Pour le dire brutalement : est-ce que cela comprend le droit de se couvrir les cheveux, ou seulement celui de montrer ses seins ? Ensuite, on aurait pu faire le rapprochement avec d’autres phénomènes : l’utilisation du corps des femmes dans la publicité, ou encore l’hypersexualisation précoce des petites filles, avec toutes ses conséquences Le Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (Crioc) vient de consacrer une étude à l’hypersexualisation de la société en général, et des jeunes filles en particulier. Avec les conséquences néfastes sur l’estime de soi, les études et les comportements alimentaires. Ainsi, une étude américaine montre que des troubles alimentaires qui survenaient vers 15 ans frappent désormais des fillettes de 5 à 6 ans..  D’autant que certains magazines pour ados proposent déjà des tests qui classent les lectrices en trois catégories : « la super extra salope, la salope normale, la ringarde, le dinosaure pré soixante-huitard» Cité dans l’étude du Crioc. Une autre façon de se « réapproprier » le terme de « salope »…  Au risque de passer pour une grenouille de bénitier, j’ajoute que cette hypersexualisation me dérange aussi chez les adultes : parce qu’il ne s’agit pas seulement de sexe mais aussi du rôle et du comportement supposé de chacun/e. Tenez, une question simple : pourquoi les présentatrices de JT peuvent-elles (ou doivent-elles…) montrer leurs épaules, sinon plus, tandis que leurs collègues masculins sont en costume-cravate ? Imagine-t-on un présentateur en débardeur, même de luxe ? Pourtant, c’est bien mimi, une jolie paire de muscles poilus… Non ? Retrouvez Irène Kaufer sur les blogs de POLITIQUE : http://blogs.revuepolitique.be/