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Accès au Net : symptôme de la crise politique européenne

La longue marche d’un amendement censé garantir droits et libertés des citoyens sur Internet, finalement passé à la trappe, illustre, encore une fois, le déficit de démocratie de l’Union européenne. L’histoire législative qui suit met en lumière la prégnance du pouvoir des États sur celui des élus européens.

S’il fallait trouver une disposition législative qui incarne à elle seule la crise politique et institutionnelle qui frappe l’Union européenne, l’amendement 138 mériterait probablement de figurer en tête de liste. Après des mois de discussions autour du paquet Télécom – un ensemble de cinq directives régulant le secteur des télécommunications – cet amendement est sur le point d’être liquidé par le législateur européen. Adopté suite au refus du Parlement européen de voir instaurer des mesures répressives irrespectueuses des droits et libertés aux fins de lutter contre le partage d’œuvres sur Internet, il en est venu à symboliser l’impuissance de la seule instance européenne véritablement démocratique. L’histoire législative de cet amendement montre en effet comment l’arène européenne peut parfois devenir le lieu d’obscures manœuvres de la part des États membres, manœuvres qui compromettent les droits et libertés des citoyens de l’Union. De fait, l’amendement 138 est un signal supplémentaire des lacunes de l’Union européenne en matière de transparence démocratique. Retour sur un débat législatif représentatif d’un certain mal européen…

«Riposte graduée»

Le parcours législatif de l’amendement 138 débute en France, avec la remise du rapport de Denis Olivennes, à l’époque patron de la Fnac et chargé par le président Nicolas Sarkozy de faire des propositions visant à lutter contre le partage d’œuvres sur Internet, dénoncé sans nuance comme seul responsable de la supposée crise des industries du divertissement. En novembre 2007, M. Olivennes propose ainsi la mise en place d’un dispositif désormais connu sous le nom de «riposte graduée» : afin de faire face à ces pratiques, il est proposé de mettre en œuvre une répression de masse. La solution retenue est de contourner l’autorité judiciaire et le droit au procès équitable au travers de la mise en place d’une autorité administrative indépendante (une «AAI» connue sous l’acronyme d’Hadopi). Les personnes suspectées par les ayants droit, sociétés de répartition des droits et autres syndicats professionnels des industries du secteur, se verraient adressées un avertissement par cette autorité administrative, et seraient, en cas de récidive, susceptibles d’être condamnées à une suspension de leur accès Internet pouvant aller jusqu’à un an. C’est alors que le Parlement européen entre dans la partie, avant même que les propositions de M. Olivennes ne soient transposées en un projet de loi. En avril 2008, à l’occasion d’un rapport sur l’industrie culturelle européenne (dit «Rapport Bono»), les eurodéputés décident de se prononcer contre le projet français en gestation. Ils adoptent un amendement au rapport qui «invite la Commission et les États membres à prendre acte du fait que l’Internet est une vaste enceinte d’expression culturelle, d’accès à la connaissance et de participation démocratique à la créativité européenne, qui rassemble les générations au travers de la société de l’information», et qui «invite dès lors la Commission et les États membres à éviter de prendre des mesures qui entrent en contradiction avec les libertés civiques et les droits de l’homme et avec les principes de proportionnalité, d’efficacité et de dissuasion, telles que l’interruption de l’accès à l’Internet». Bien que n’ayant pas de valeur contraignante, le rapport ainsi voté est un désaveu politique pour le gouvernement français, qui décide toutefois d’aller de l’avant en adoptant le projet de loi «Hadopi» le 18 juin 2008.

Lobbies en action

Au même moment, les industries du divertissement – et notamment la SACD française, lobby de l’industrie cinématographique – déclenchent une intense campagne d’influence visant à inclure dans le paquet Télécom un certain nombre de dispositions les autorisant à «faire la chasse aux pirates». Sont ainsi défendus des amendements mettant à mal la protection de la vie privée des internautes ou remettant en cause la neutralité du Net, un principe fondateur d’Internet qui exclut toute discrimination de l’information transmise sur le réseau. Certains de ces amendements obligent même les autorités nationales de régulation des télécommunications à imposer aux fournisseurs d’accès Internet de «coopérer» avec les ayants droit des industries du divertissement à des fins de «protection des contenus licites». L’objectif est clair : donner à ces acteurs privés le pouvoir de faire eux-mêmes la police en constatant des présomptions de contrefaçon de leurs catalogues d’œuvres, avec le concours des fournisseurs d’accès Internet, et ce sans avoir à se soucier des règles les plus élémentaires en matière de protection des droits et libertés fondamentaux. Un intense débat s’engage alors au sein des commissions du Parlement chargées d’amender le paquet Télécom préalablement à son examen en séance plénière. Face aux lobbies industriels, une campagne citoyenne relayée par de nombreuses organisations non gouvernementales européennes se met en place dans le but de faire comprendre aux eurodéputés les conséquences concrètes de ces dispositions. Au cours de l’été, le vote en séance plénière est d’ailleurs repoussé, les parlementaires expliquant avoir besoin de plus de temps pour se prononcer.

Résistance du Parlement

Début septembre, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), autorité européenne indépendante en charge de la protection des données personnelles, considère que les amendements incriminés ouvrent la porte à «une surveillance de masse des utilisateurs d’Internet» et pose «les fondations» de la riposte graduée. À partir de là, une prise de conscience semble définitivement gagner l’ensemble les eurodéputés, qui prennent pleinement la mesure de l’enjeu. Finalement, le 24 septembre, lors du vote en séance plénière, ces amendements seront pour l’essentiel rejetés. Mais les parlementaires européens vont plus loin en adoptant à une majorité de 88% l’amendement 138, qui prévoit que les autorités nationales de régulation appliquent «le principe selon lequel aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires». Quelques mois seulement après l’adoption du rapport Bono, le Parlement réaffirme ainsi qu’Internet est devenu un outil indispensable à l’exercice de certains droits fondamentaux, au premier rang desquels la liberté d’expression et de communication. À ce titre, les élus européens estiment qu’aucune restriction de l’accès à Internet ne doit être imposée sans l’aval de l’institution judiciaire, gardienne des libertés. En vertu de cet amendement, le projet de riposte graduée français, qui vise justement à «déjudiciariser» la répression du partage d’œuvres en ligne, serait donc contraire au droit européen que les États membres sont pourtant tenus de respecter. Mais la portée de l’amendement 138 s’étend bien au-delà de la riposte graduée : il permet également de protéger les citoyens contre le développement de pratiques allant à l’encontre de toutes les pratiques allant à l’encontre de la neutralité du Net. C’est le cas de la discrimination ou la priorisation de l’accès à certains contenus, services ou applications sur Internet, que certains opérateurs télécoms – soutenus en cela par les industries culturelles – voudraient mettre en place. Il en va de même pour le blocage de sites Internet par voie administrative, qui se développe à un rythme inquiétant en Europe. Avec l’amendement 138 inscrit dans le droit communautaire, ces différentes mesures, en ce qu’elles restreignent la liberté de communication permise par Internet, ne pourraient survenir qu’après une décision judiciaire.

Insistance française

Nous sommes au second semestre 2008, sous présidence française du Conseil de l’Union européenne. Le gouvernement français va alors déployer d’importants efforts pour contrecarrer le vote des parlementaires européens, au mépris total de la répartition des pouvoirs entre les institutions européennes, mais aussi des principes démocratiques les plus élémentaires. Le but est de faire en sorte que la Commission européenne s’oppose publiquement à l’amendement afin de permettre à la France d’y faire plus facilement obstacle lors de l’examen du paquet Télécom par le Conseil de l’Union européenne. En effet, au cas où une disposition adoptée par le Parlement est l’objet d’un avis contraire de la Commission, elle doit ensuite être acceptée à l’unanimité des États membres. Si la Commission s’opposait publiquement à l’amendement 138, la France seule pourrait donc y faire échec. En octobre, au beau milieu de la tempête financière, Nicolas Sarkozy va prendre une initiative extrêmement rare, et jugée choquante par nombre de fonctionnaires européens, y compris certains diplomates aguerris. Le président français décide d’interpeller personnellement par courrier le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, pour lui demander de s’opposer au texte. Or, ni M. Barroso, ni la commissaire en charge du dossier, Vivane Reding, qui voient tous deux la fin de leurs mandats approcher, ne sont prêts à s’opposer frontalement au Parlement. M. Barroso, toujours enclin à s’accorder les grâces des États membres les plus influents, se montre pourtant conciliant. Lors d’un échange avec Pierre Sellal, Représentant permanent de la France à l’Union européenne, et dont la femme n’est autre que Sylvie Forbin, vice-présidente en charge des affaires institutionnelles de la société Vivendi et fervente défenseur de la «riposte graduée», il s’excuse ainsi du soutien de la Commission européenne à l’amendement 138 affirmé publiquement quelques jours plus tôt par Mme Reding.

Le Parlement tient bon

Malgré les pressions insistantes de la France, la position de la Commission ne sera pas modifiée : début novembre, la Commissaire Reding publie un communiqué officiel dans lequel elle indique que la Commission «considère cet amendement comme un rappel important des principes fondamentaux de l’ordre juridique communautaire, et notamment des droits fondamentaux des citoyens. Il laisse aux États membres une marge suffisante pour parvenir à un juste équilibre entre différents droits fondamentaux, notamment le droit au respect de la vie privée, le droit à la protection de la propriété, le droit à un recours effectif et le droit à la liberté d’expression et à l’information». Seule une majorité qualifiée d’États peut donc faire échec à l’amendement 138. Alors que de nombreux pays semblent initialement soutenir la position du Parlement, le gouvernement français réussit après maintes négociations à convaincre un nombre suffisant d’États membres. Le Conseil de l’Union européenne, co-législateur européen, rejette donc l’amendement 138. Commence alors l’étape de la deuxième lecture. Le Parlement et le Conseil mènent des réunions conjointes afin de rapprocher leurs positions respectives sur le texte, notamment sur l’amendement 138. Dans ce cadre, la rapporteur des directives concernées, Catherine Trautmann (S&D Groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (ex-PSE). (Ndlr).., France), accepte un texte de compromis «neutralisé» qui n’apporte aucune garantie sérieuse, puisqu’il ne mentionne pas la nécessité d’une décision préalable de l’autorité judiciaire. Le 6 mai 2009, lors du vote solennel en deuxième lecture, les eurodéputés repoussent la proposition du Conseil et réintègrent l’amendement 138, à nouveau à 88% des voix. À quelques semaines des élections européennes, et suite à une mobilisation importante de la société civile européenne, le Parlement a à cœur de renouveler son attachement aux droits et libertés des citoyens européens, et saisit l’occasion de mettre en peu plus sous pression les États membres souhaitant mettre en œuvre des mesures répressives de restriction de l’accès à Internet. En France, c’est un nouveau camouflet pour le projet de loi «Hadopi» qui, le 10 juin 2009, fait en outre l’objet d’une censure historique de la part du Conseil constitutionnel, plus haute juridiction du pays. Ce dernier adopte la même position que le Parlement européen et confirme qu’aujourd’hui, l’accès à Internet est devenu une condition essentielle du plein exercice de la liberté d’expression et de communication, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Les juges constitutionnels proclament à leur tour que nul autre que l’autorité judiciaire ne doit être en mesure de restreindre une liberté fondamentale, et que confier à une autorité administrative un pouvoir de sanction menant à la suspension de l’accès à Internet fait entorse au principe de séparation des pouvoirs. En somme, sans être aussi directe et sans que l’on sache encore si elle confère les mêmes protections que l’amendement 138 en matière de neutralité du Net, cette décision revient à inscrire le principe voulu par les parlementaires européens dans la jurisprudence constitutionnelle française. Elle vient aussi souligner la légitimité de garantir ce principe dans la législation européenne, afin d’assurer une protection efficace des libertés à l’ensemble des citoyens européens.

Blocage des États

Où en est l’amendement 138 aujourd’hui ? Depuis la fin du mois de septembre, suite au refus renouvelé des États membres d’accepter l’amendement 138, le Conseil et le Parlement européen sont entrés en procédure de conciliation. Cette phase de négociation entre les co-législateurs est censée déboucher sur une rédaction commune de l’amendement 138, afin que le paquet Télécom puisse être définitivement adopté par les deux institutions. Des cinq directives initiales, l’amendement 138 reste en effet le seul point de désaccord. Sans doute peut-on expliquer l’intransigeance du Conseil par le fait que, malgré la décision des juges constitutionnels français, plusieurs gouvernements européens, sensibles aux pressions des grands groupes de divertissement et à leur mainmise sur les médias, semblent prêts à intégrer la «riposte graduée» dans leur législation nationale. Si certains, comme l’Allemagne, s’opposent sans ambiguïté à de telles mesures, conscients du danger qu’elles font peser sur les libertés publiques, d’autres, à l’image du Royaume-Uni, semblent prêts franchir le pas. Sans doute faut-il aussi voir dans ce refus la volonté qu’ont certains gouvernements d’user de leur pouvoir de police sur Internet, sans s’embarrasser de l’interférence de l’autorité judiciaire. Pourtant, au vu des principes généraux du droit communautaire, il est clair que de tels agissements remettent gravement en cause l’état de droit dans les démocraties européennes. Il en va ainsi notamment des mesures administratives de filtrage et de blocage de sites Internet qui fleurissent un peu partout en Europe et qui, en dépit des mises en garde de nombreux experts et de défenseurs des droits de l’homme, sont envisagées pour des catégories de sites toujours plus nombreuses (des contenus pédopornographiques aux jeux violents, en passant par les blogs faisant l’apologie de l’anorexie ou les sites peer-to-peer). Les risques d’une censure illégitime sont en effet réels, en raison de l’imprécision de telles mesures et le risque certain de «sur-bloquer» des sites parfaitement légaux. Une censure qui est aussi globalement inefficace, puisque les techniques de contournement de tels dispositifs sont déjà bien connues.

La fin de la neutralité du Net

Cependant, le filtrage et le blocage de sites Internet, qui portent directement atteinte au principe de neutralité du réseau, pourraient ne pas être l’apanage des seuls pouvoirs publics. En effet, et c’est là un autre facteur d’explication du rejet de l’amendement 138 par le Conseil, certains gouvernements européens semblent vouloir répondre favorablement aux sollicitations d’opérateurs de télécommunications qui souhaiteraient s’adonner à une gestion discriminatoire du trafic Internet. Cela leur permettrait de mettre un frein à l’augmentation de la bande passante mutualisée et de réorienter leurs investissements vers le contrôle du trafic et des usages, dans le but de développer des modèles commerciaux fondés sur la priorité accordée à certains sites ou contenus, moyennant rétribution. Si de telles pratiques étaient permises, en l’absence d’une forte protection de la neutralité du Net similaire à l’amendement 138, ce serait la fin d’Internet tel que nous le connaissons aujourd’hui : un réseau égalitaire, plate-forme d’expression partagée contribuant à l’accès d’un public toujours plus large aux savoirs et aux nouveaux outils de participation démocratique. La fin de la neutralité du Net aurait également des conséquences désastreuses au plan économique, puisque de petits acteurs innovants cherchant à distribuer de nouveaux produits ou services sur le réseau pourraient se voir discriminés. Qu’adviendrait-il, par exemple, d’un service comme Skype si les opérateurs étaient laissés libres de restreindre les usages de leurs abonnés ? Que deviendraient les centaines de milliers de sites non commerciaux qui animent Internet, si leurs auteurs devaient payer les opérateurs pour rester accessible à tous ? Un certain nombre d’États membres semble pourtant ne pas faire grand cas des conséquences désastreuses sur les plans politique, social et économique d’une telle évolution. Le renforcement d’acteurs dominants – le cas échéant des «champions nationaux» – justifie à leur yeux de remettre en cause les bienfaits sociétaux d’Internet. Or c’était le sens même de l’amendement 138 que de faire en sorte que l’autorité judiciaire soit seule en mesure d’évaluer la proportionnalité des restrictions à l’accès Internet avant qu’elles ne soient infligées aux utilisateurs. Dans le cadre de la procédure de conciliation, le Conseil de l’Union européenne use désormais d’arguments juridiques contestables, sinon fallacieux, afin de justifier son opposition à une disposition votée par deux fois par 88% des parlementaires européens. Les États membres agissent en toute opacité pour faire fléchir le Parlement, sans jamais reconnaître publiquement leurs réels motifs d’opposition. Sur le fond, rien. Aucune déclaration écrite ne vient étayer la position du Conseil. Les appels de la fédération européenne des associations de consommateurs, le BEUC, mais également de Reporters sans frontières ou de dizaines d’ONG européennes signataires d’une lettre ouverte appelant le législateur communautaire à préserver l’amendement 138, restent sans réponse.

Parlement mis en échec

Sur la forme, le Conseil fait valoir qu’en l’état des traités, la Communauté européenne, et donc le Parlement, ne dispose d’aucune compétence en matière judiciaire. Il lui serait ainsi impossible d’inclure dans une directive une mesure ayant une influence directe sur l’ordre juridictionnel des États membres. Qu’importe que d’autre directives aient fait de même par le passé. Qu’importe que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes autorise l’Union européenne à insérer dans des directives des dispositions n’étant normalement pas de son domaine de compétence, à condition que ces dernières contribuent au bon fonctionnement du marché intérieur, ce qui est manifestement le cas en l’espèce puisqu’il est question de l’accès à Internet, dont les implications pour le commerce européen ne sont pas à démontrer. Qu’importe, enfin, que le Traité de Lisbonne, qui devrait selon toute vraisemblance entrer en vigueur dans les prochaines semaines, prévoit justement de conférer au Parlement un véritable statut de co-législateur en matière de coopération judiciaire. En fait, l’argument du Conseil selon lequel le Parlement n’a pas le droit d’inscrire dans la législation communautaire l’amendement 138 serait balayé d’un revers de la main si les États membres, en particulier la France et le Royaume-Uni, avaient la volonté politique de protéger Internet comme instrument de progrès social. Au lieu de cela, les négociateurs du Parlement, et notamment la rapporteur Catherine Trautmann, sont acculés. Ils refusent de faire face au Conseil, ou de jouer la montre, par peur de faire échouer l’intégralité du paquet Télécom. Sous la pression, les négociateurs du Parlement ont pris le risque d’humilier leur assemblée et de l’affaiblir durablement au sein du triangle institutionnel européen, tout en renonçant à leur engagement de protéger les citoyens. Bien sûr, cette situation s’explique par le manque de transparence qui entoure ces débats fondamentaux pour l’évolution de nos sociétés. Un manque de transparence qui autorise les gouvernements de l’Union à échapper pour l’essentiel à la surveillance des opinions publiques, et ainsi de fuir leurs responsabilités. L’amendement 138 n’est en fin de compte que le symptôme d’un mal connu : le déficit démocratique européen. C’est lui qui explique le silence de plomb du Conseil et les basses manœuvres de gouvernements qui, envers et contre tout, croient voir dans la riposte graduée l’avenir du droit d’auteur, et dans le contrôle d’Internet l’avenir de nos sociétés. C’est ce même déficit démocratique qui permet au Parlement européen de se présenter comme un protecteur des droits et libertés fondamentaux la veille des élections, pour lâchement céder aux pressions du Conseil quelques semaines plus tard. L’amendement 138 est le résultat d’une crise politique profonde. Celle d’une Europe qui, faute de réel débat démocratique, a renoncé à ses ambitions. Une Europe du moins-disant, qui en vient à affaiblir ses valeurs fondatrices que sont la liberté, la démocratie et l’état de droit.